Que sont les discriminations multiples ? Comment se déclinent-elles dans la vie quotidienne des femmes ? Comment les reconnaissent-elles ? Comment en parlent-elles ? Comment essayent-elles de prendre la situation en main et de la changer ? Comment sortent-elles de la simple reconnaissance des discriminations subies et cherchent, ensemble, des pistes de solution ? Les discriminations sont multiples et nos moyens d’agir doivent l’être aussi. C’est pourquoi, la Maison des Femmes a mis en place le projet « Luttes contre les discriminations, des femmes immigrées agissent ». Nous vous le présentons dans cet article.

Luttes contre les discriminations, des femmes immigrées agissent – un projet depuis 2018

Le projet « luttes contre les discriminations, des femmes immigrées agissent » est mené depuis 2018 à la Maison des Femmes, l’un de nos services. La Maison des femmes est un service dédié à l’émancipation, l’autonomie et la valorisation. Elle s’adresse aux femmes en général et aux Molenbeekoises en particulier. Une permanence sociale et d’orientation socio-professionnelle, des cours d’alphabétisation, de couture, et de TIC, ainsi que des ateliers sportifs et des activités maman-enfants y sont organisés de manière régulière.

Le projet « luttes contre les discriminations, des femmes immigrées agissent » propose des rencontres collectives organisées sous forme d’ateliers, animés par des personnes ressources. Le projet s’adresse aux femmes issues de l’immigration intéressées par la thématique des discriminations. Des juristes, des intervenant.e.s dans le secteur des discriminations, des psychothérapeutes, des militantes féministes sont invité.e.s lors de séances collectives. Un soutien individuel est également mis à disposition des participantes. De l’orientation sociale et professionnelle, du coaching en développement personnel et de l’accompagnement psycho-social sont proposés.

Décortiquer les situations à travers la lorgnette des discriminations multiples

Pendant plusieurs mois, deux groupes d’une quinzaine de femmes se réunissent à la Maison des Femmes. Elles sont d’origines et d’horizons différents, disposent de statuts administratifs différents, parlent couramment le français ou pas et vivent des situations de précarités sociales et économiques diverses. Les femmes sont au centre du projet. Elles s’interrogent, découvrent, partagent ou apprennent à décortiquer leurs situations de vie à travers la lorgnette des discriminations multiples. Le projet se veut un espace d’information, soutenant et de capacitation. Il a pour objectif de renforcer les connaissances du système de lois et des procédures en Belgique des femmes immigrées.

Les participantes ont déjà eu l’occasion de rencontrer plusieurs intervenant.e.s, notamment des animatrices de l’asbl Garance pour découvrir le self-défense et travailler l’art et la manière de se défendre verbalement. Fatima Zibouh et Manuela Varrasso d’Actiris Inclusive ont, elles, animé des ateliers sur les discriminations à l’emploi. Elles ont aussi encadré certaines participantes voulant développer un projet professionnel. D’autres activités et thèmes ont été abordé, dont :

La gestion de projet ; Apprendre à gérer son temps pour mieux s’organiser ; L’entrepreneuriat ; Comment identifier/comprendre ses émotions et ses besoins pour mieux les gérer ; Prendre la parole en public ; Ateliers artistiques photo-thérapie ; Comment travailler l’estime de soi/la confiance en soi ? ; Les aspects légaux des discriminations ; Les systèmes de discriminations sexistes et racistes ; Comment faire face aux discriminations au niveau individuel ? ; Atelier bien-être ; L’homophobie ; Etc.

Pour la Maison des Femmes, il est important de comprendre les systèmes de domination, de les analyser, de s’inscrire dans une démarche collective de luttes, et en parallèle, intervenir au niveau individuel pour permettre aux femmes d’agir sur leur quotidien et l’améliorer. C’est-à-dire leur donner l’occasion d’être actrices du changement et non pas passives et dans l’attente.

Les réalisations artistiques

À la fin de chaque session, un projet artistique est réalisé. Ce dernier est créé et décidé par les participantes avec l’aide de la chargée de projet de la Maison des Femmes.

En 2018, les participantes du projet ont créé un ouvrage regroupant des textes de Kasàlà avec des portraits et des photos du groupe. Le Kasàlà est un art oratoire africain, un art de la célébration de soi et de l’autre. Ce projet a été réalisé avec l’aide de Delphine Gérard, spécialiste du Kasàlà et de Nicole Palumbo de « Théâtre O Plus ».

En 2019, le groupe a réalisé des pavés avec des morceaux de céramique avec l’artiste plasticienne Hamida Ouassini. Les thèmes des réalisations étaient la résilience, la réparation et la reconstruction.

La dernière création en date s’appelle « Femmes Unies-Vers-Elles ». C’est une mise en récits et en images du projet à travers un book photo.

Femmes Unies-Vers-Elles – une mise en récits et en images

Les membres du projet ont eu l’occasion de réaliser un book photo avec l’aide de Soumiya Mommen de « Guerrière en pyjama » et Nicole Palumbo de « Théâtre O Plus ». Accompagnées par Soumiya, une photographe professionnelle et par Nicole, les participantes ont fait de la photo-thérapie et des exercices de prise de paroles en public. L’objectif était de travailler la confiance en soi. Ce book en est le résultat. Il présente les portraits des femmes, accompagnés de textes où elles partagent leur expérience du projet, les discriminations vécues et des poèmes. Le book se termine avec une lettre adressée à la société, où les participantes mettent en lumière la place de la femme au sein de celle-ci.  

Un travail d’écriture et de prise de parole a été réalisé, dans une dynamique collaborative et bienveillante. Entre rires et larmes, partages et bienveillance, le projet artistique a été d’une richesse extraordinaire. « Femmes Unies-Vers- Elles » est donc le fruit d’un travail intense.

Voici quelques témoignages des participantes, qui se retrouvent dans le book « Femmes Unies-Vers-Elles » :

(…) presque tout le monde sait que la discrimination est une violation des droits de l’être humain. Pourtant, chacun de nous en fait l’expérience à un moment ou à un autre de sa vie ou toujours d’une manière ou d’une autre. En raison des pressions auxquelles les femmes (…) peuvent être exposées, l’incapacité d’exploiter leurs capacités et leurs talents et l’exposition constante à l’intimidation et au racisme, finiront par les conduire à des sentiments de frustration et à un manque de confiance en soi. Malgré tout cela, je vous invite à être fière de qui vous êtes et profiter de tout ce que vous faites.

Texte de Ghita

(…) Les femmes portant le hijab sont souvent confrontées à de nombreux obstacles lors de la recherche d’emploi. C’est malheureusement ma douloureuse expérience, qui m’a poussée à chercher d’autres façons d’atteindre mes objectifs. (…) j’ai participé au projet de lutte contre les discriminations. Ce qui m’a fait connaître un groupe de femmes merveilleuses qui ont vécu la même expérience. Cela a soulagé ma douleur. De plus, grâce à ce programme, j’ai pris connaissance d’un ensemble de lois et de lignes directrices qui me manquaient pour m’encourager à aller de l’avant. Tout cela dépasse mon concept de la vie et ça m’a rendue plus forte, et je répète toujours, une personne sûre d’elle connaît bien son chemin, planifie tous les aspects de sa vie et fixe ses objectifs avec précision, de sorte qu’elle ne laisse pas les autres penser à sa place. Elle ne s’abandonne pas aux circonstances, car c’est elle qui les fait. Ce shooting et ce projet dans sa globalité étaient très intéressants, ils nous ont permis de mieux nous connaître et ainsi de mieux nous comprendre individuellement et dans la société.

Texte de Fadoua

J’ai appris au travers du projet à dévoiler aux autres ce que j’avais en moi, ce qui prenait trop de place. J’avais mal au cœur à cause de la société, elle m’a beaucoup déçue. Se réunir autour d’un projet qui traite des discriminations m’a permis de partager mon expérience et d’écouter celles des autres. Pendant le projet, j’ai appris à faire confiance aux autres qui écoutaient mon histoire et qui se mettaient à ma place. Je ne suis pas le genre à m’exprimer facilement, mais être entourée de personnes gentilles m’a aidée à plus m’ouvrir. Chose que je ne faisais pas avant. 

Texte de Houda

Et après le projet ?

Au travers du projet, les participantes se sont ouvertes, enrichies, ont grandi et se sont épanouies personnellement et professionnellement.

La Maison des Femmes a notamment accompagné l’une des participantes à ouvrir sa propre asbl. Cette dernière faisait face à de nombreuses portes fermées. Elle n’arrivait pas à trouver du travail malgré ses expériences professionnelles. Ne voyant aucune démarche aboutir, elle décide de prendre les choses en main. Avec d’autres participantes du projet, elles se sont unies pour créer l’asbl « Bonne intention », née de leur volonté et détermination.

Une autre des participantes avait également essuyé plusieurs refus lors d’entretiens d’embauche. Lors des ateliers collectifs du projet, nous avons invité Leila Maidane, entrepreneuse sociale, pour animer un workshop sur l’entrepreneuriat. Suite à cette rencontre, cette participante a pu travailler ponctuellement aux côtés de Leila Maidane en tant que consultante en ressources humaines.

Enfin, une dame ayant participé à notre autre projet « Guide dans ma Ville » a reçu des conseils de Leila Maidane concernant les réseaux sociaux. Grâce à ces coachings, elle a pu ouvrir une chaine YouTube qui s’intitule « Vlog guide à Bruxelles » où elle réalise des vidéos dans Bruxelles, partage de bonnes adresses et des balades.